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III. La Bible au XVIIe siècle. Place à la belle langue

Jusqu’au début du règne de Louis XIV (1661), la traduction de la Bible en français n’a pas connu de grande nouveauté. Des catholiques comme François Véron ou Michel de Marolles proposent des traductions du Nouveau Testament réalisée à partir du texte grec d’Érasme, car tous deux insistent sur la nécessité de lire la Bible en langue « vulgaire » et non pas dans les langues savantes. Leur démarche novatrice suscite de fortes réactions de la part de l’autorité ecclésiastique, ce qui limite la portée de leurs travaux.
Les protestants, quant à eux, continuent à utiliser la Bible de Genève dans sa version de 1588.

Nouveau Testament de Denis Amelotte (1666-1670)

En 1655, une assemblée générale du clergé exprime le désir d’une nouvelle traduction de l’Écriture sainte capable de répondre aux besoins de l’Église catholique. C’est à Denis Amelotte (1609-1678), un oratorien féru de grec et de latin, qu’est confiée cette tâche. Amelotte travaille avec la version latine comme texte de base, mais il la corrige ici ou là lorsque les différences avec le grec sont flagrantes. Le t. I (évangiles et Actes) est publié en 1666, le t. II (épîtres de Paul) en 1667 et le t. III en 1670. Il semble qu’Amelotte ait eu connaissance du manuscrit du Nouveau Testament de Port Royal publié en 1667 car, bien qu’il ait combattu la doctrine des jansénistes dans plusieurs de ses écrits, son travail est largement inspiré de cette traduction. Le Nouveau Testament d’Amelotte a connu une très grande diffusion, car les catholiques le considèrent comme leur traduction officielle et Louis XIV en fait distribuer 150000 exemplaires aux protestants qui rejoignent l’Église catholique après la révocation de l’édit de Nantes (1685).

Nouveau Testament de Mons (1667)

Isaac Lemaître de Sacy, 1667, page de titre,
Imprimé à Amsterdam par Daniel Elzevier,
fonds Société biblique française

Autour de l’abbaye de Port-Royal se cristallise un profond intérêt pour la Bible de la part de catholiques réformistes, fortement marqués par la pensée d’Augustin. Le rôle primordial de la Bible se manifeste autant dans la spiritualité de ces hommes et de ces femmes que dans leur volonté d’apporter à tous les humains cette Écriture « qui n’a que Jésus-Christ pour objet » (Blaise Pascal). Dans le cercle de Port Royal, on pratique non seulement le latin, mais aussi le grec et les langues orientales. La lecture des Pères de l’Église n’exclut pas celle des commentaires contemporains, y compris les travaux entrepris dans les milieux calvinistes.
En 1653, Antoine le Maître, un des Solitaires de Port Royal, achève de traduire à partir de la Vulgate les quatre évangiles et l’Apocalypse. Un petit cercle d’érudits parmi lesquels Blaise Pascal et le frère d’Antoine le Maître, Isaac Lemaître de Sacy, se met au travail en 1657 pour reprendre cette traduction et la confronter au texte grec et pour la compléter. Après la mort de son frère Antoine en 1658, Sacy coordonne le travail de l’équipe, il rédige et corrige la traduction. Mais en raison des menaces qui pèsent sur Port-Royal, le manuscrit reste au placard. Prenant conscience que des copies commencent à circuler sans contrôle, Sacy décide de publier l’ouvrage. La chancellerie royale refuse d’accorder le privilège permettant l’édition, il faut donc se tourner une fois de plus vers l’étranger pour que le texte soit publié. L’ouvrage paraît en 1667, sous le titre Nouveau Testament de nostre Seigneur Jesus Christ, Traduit en François Selon l’édition Vulgate, sans nom d’auteur, et avec un éditeur fictif : Gaspard Migeot à Mons.
Ce Nouveau Testament dit « de Mons » connaît un succès exceptionnel pour l’époque : près de cinq mille exemplaires sont vendus en six mois. En 1668, il est encore réimprimé quatre fois. Dans sa préface de la première édition, Sacy argumente ainsi la nécessité pour les chrétiens d’être nourris par les Écritures saintes : « Nous sommes les enfants et les disciples de Jésus-Christ. Si nous aimons donc véritablement ces deux admirables qualités et que nous les regardons comme faisant toute notre dignité et notre gloire, combien ce Livre sacré nous doit-il être précieux, puisqu’il est tout ensemble le recueil des divins enseignements de notre Maître et le Testament qui nous assure l’héritage de Notre Père. »

La Bible de Sacy-Port Royal (1672-1693)

Pour contrer l’autorité du Nouveau Testament de Mons, plusieurs évêques en interdisent la lecture dans leur diocèse, et même le pape Clément IX menace d’excommunication celui qui en ferait usage. Malgré tout, Sacy s’attaque à la traduction de l’Ancien Testament avec le même désir de produire un texte facilitant l’accès aux Écritures sans rien céder à la rigueur de la traduction. Incarcéré en 1666, en raison de ses liens avec le mouvement janséniste et l’abbaye de Port-Royal, il poursuit son travail même pendant les deux ans qu’il passe à la Bastille. Sa Bible est publiée en livres séparés entre 1672 et 1693. Beaucoup apprécient cette exceptionnelle traduction des Écritures qui ne se fige pas dans le littéralisme, mais ne tombe pas pour autant dans le travers d’une littérature précieuse. À cause de cet équilibre intelligent, la Bible de Sacy s’inscrit parmi les chefs-d’œuvre littéraires classiques. Réimprimée à maintes reprises, et pour la première fois à Paris en 1701, elle est encore disponible aujourd’hui dans les éditions d’œuvres classiques du patrimoine littéraire français.

  Suite : IV. Le XVIIIe siècle. Un travail biblique hors de France

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