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L'apport spécifique des Manuscrits de Qumrân dans la traduction de la Bible

Les manuscrits de Qumrân

Le mot-clef « Qumrân » n'apparaît pas moins de 288 fois dans le volume de la Nouvelle Bible Segond. Cette proportion sans exemple dans le passé, souligne à elle seule le crédit que l'on apporte aujourd'hui à cette source ancienne. Rappelons que cette dernière n'est pas sans mérite puisqu'elle permet de se rapprocher d'au moins 1000 ans des origines de la Bible. Avec la bibliothèque de Qumrân on a pu plonger en plein dans l'effervescence biblique de cette période où les persécutions des Séleucides, puis la férule des Romains, développaient le réflexe identitaire, et conduisaient les croyants à récapituler leurs connaissances, à engranger du matériau spirituel pour faire face à la crise.


Descendant spirituels au moins, des pieux Hassidîm, les qumrâniens cherchent à assurer la pérennité de leur foi en remettant en honneur les vieux textes . Le Pentateuque Samaritain qui daterait des années 125 av. J.-C. et que l'occident n'a redécouvert qu'en 1615 seulement ; le Vieux Grec, ou les sources anciennes de la Septante qui remontent au III° s. avant J.-C., mais dont les éditions selon les livres sont très variées. Ces traductions grecques rendraient même parfois compte, aux yeux de certains chercheurs, d'un texte hébraïque plus ancien que ceux dont nous disposons. On peut dire que pour chaque livre biblique, que ce soit en hébreu, ou en grec, le dossier qumrânien est particulier. Mais une constante demeure au dessus de toutes ces quêtes particulières : et c'est le très peu de divergence, le très peu de différence qui distinguent nos Bibles modernes de ces collections de textes anciens, jamais reliés entre eux, sauf les douze petits prophètes, qui aussi loin qu'on remonte, habitent toujours un même rouleau.

Certes le texte-source dont se servent les traducteurs du monde entier, à savoir la Bible Hébraïque établie à Stuttgart par la Société biblique allemande ( BHS), rendait déjà compte, en 1967, dans son apparat critique, des trouvailles de la Grotte 1, c'est à dire les deux rouleaux (fort différents) d'Esaïe, l'Apocryphe de la Genèse, le Rouleau de la Guerre et quelques Psaumes de la Grotte 4 (Ps 91---118). Il est évident que par rapport aux données actuelles, on est loin de compte, puisque ce ne sont plus quelques rouleaux se comptant sur les doigts de la main qui ont été inventoriés, mais quelques 900 références, malheureusement réparties en 25000 fragments, ce qui explique pour une part, le temps que l'on a mis à reconstituer les puzzles, et donc aussi qu'il ait fallu attendre un demi siècle avant d'assister à leur publication. Celle-ci est maintenant réalisée à 90 %.

Parmi ces rouleaux de la mer Morte, 250 au moins concernent la Bible, soit parce qu'ils apportent des copies anciennes de livres bibliques proprement dit, ou bien des paraphrases continues, comme c'est le cas du Pentateuque retravaillé ; ou encore parce qu'ils sont riches en citations expresses des textes bibliques, qu'ils commentent ou exploitent à des fins polémiques.

Tel est le cas en particulier du fameux « Manifeste » (4QMMT) de la Grotte 4, une lettre polémique qui circulait à Paris sous le manteau depuis 1980, et qui a bénéficié en 1994 de la levée générale de l'embargo, au moment où deux savants américains ont mis le feu aux poudres en publiant une édition pirate de tous les textes et de toutes les photos que les chercheurs officiels protégeaient jalousement des regards.

Ce manifeste qumrânien, appelé en français « La lettre Halachique » a aussitôt été attribué au Maître de Justice, donc au fondateur du mouvement de Qumrân. Il s'agit d'une dissertation à l'adresse d'un éminent correspondant qui ne serait autre que le grand-prêtre du Temple de Jérusalem. Cette lettre lui prodigue explications et opinions, sur la manière convenable d'appliquer certaines règles cultuelles du Lévitique et du Deutéronome. Ces derniers sont expressément citées avec la formule consacrée " car il est écrit ". Manière de dire : il y a une Bible, et une autorité biblique. En l'occurrence il s'agissait le la Torah, ce qui n'était pas nouveau. Mais l'intérêt spécifique de ce document va plus loin. Il affirme en effet qu'au delà de la Loi de Moïse il existe un recueil, une collection, un corpus d'écrits particuliers, qui font autorité pour la foi et qui ne sont autres que les Ecritures bibliques.

Ce document recoupe ce que l'on savait déjà par le Prologue du Siracide, en prenant à son compte un ordre canonique des livres bibliques de Moïse, les Prophètes, David (C.10, 17, 22). Or la même formule on le sait, se trouve sous la plume de Luc, lorsque à trois reprises (24.27, 32, 45) il rapporte comment, auprès des disciples d'Emmaüs, Jésus insiste sur l'importance du témoignage des Ecritures : Torah de Moïse, témoignage des Prophètes et des Psaumes.

Les Qumrâniens sont tout imprégnés de Bible. Tous les livres canoniques de l'Ancien Testament, sauf Néhémie et Esther, ont été retrouvé dans leur bibliothèque. Encore l'absence de ces deux derniers peut-elle être fortuite : car on a bien conscience que ce qui subsiste, après 2000 ans, de cette bibliothèque enfouie, ne représente qu'une portion de ce qu'elle devait contenir à l'époque.

Ceci posé, et à considérer ce que pouvait être pour la Communauté essénienne , ce que nous appelons volontiers « la Bible dans la Bible » pour désigner les passages les plus aimés, on constate un fait surprenant et significatif. Car les livres préférés des qumrâniens sont les mêmes que ceux des auteurs du Nouveau Testament. En tête du palmarès des Ecrits bibliques retrouvés dans les grottes à manuscrits, figurent en effet tout d'abord 37 fois le recueil des Psaumes, puis 30 fois le livre du Deutéronome, et le livre d'Esaïe 21 fois . Si la démonstration de la proximité de tous ces courants juifs, qui fleurissent au tournant de notre ère restait à faire, nous en aurions ici un élément. Il est évident que le christianisme du premier siècle est un de ces courants.

Reste la question des rouleaux non-bibliques. Ils constituent, on l'a dit, les deux tiers des rouleaux de l'ancienne bibliothèque de Qumrân. Que faut-il en penser ? Nous aurions tort de les mépriser car ils ouvrent en effet toute grande la fenêtre vers les rêves théologiques du judaïsme tardif. De ce judaïsme d'où Jésus, Paul et les autres sont issus. On sait , par exemple, que le livre d'Hénoch, très présent à Qumrân, l'était aussi dans le canon biblique de l'église chrétienne éthiopienne, et que l'épître de Jude le cite comme Ecriture.
La liste de ces ouvrages para-bibliques n'est pas à énumérer ici. Simplement nous pouvons signaler que si 200 notes de bas de pages de la Nouvelle Bible Segond font référence à Qumran : 88 autres occasions de pénétrer le milieu de la mer Morte et d'en tirer profit, sont offertes dans les notices développées que l'on a placées en annexe, dans l'index général. Elles aideront, nous en sommes sûrs, à mieux situer ce bouillonnant univers de réflexion d'où nous est venue la Bible, et en particulier le Nouveau Testament.

Jean-Claude Dubs

 

 

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