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Qu'est-ce que le français fondamental ?

Interview de sœur Lydie Rivière, traductrice.

Lydie Rivière, pourquoi une nouvelle traduction de la Bible ? Vous trouvez qu'il n'y en pas suffisamment sur le marché ! Le public commence à s'y perdre !

L .R. Nous avons la chance en effet de disposer en français de plusieurs traductions d'excellente qualité, ce qui permet aujourd'hui de ne pas utiliser une seule version que l'on considèrerait comme " tous terrains ", mais d'adapter le choix d'une traduction à un public ou à une utilisation particulière. Notre travail sur la Bible en français fondamental est parti d'un constat tout simple : en Afrique où je résidais alors, la plupart des personnes qui utilisent le français n'avaient pas une connaissance suffisante de la langue pour comprendre le message biblique. J'avais déjà travaillé, en tant que linguiste, à la traduction de manuels d'agronomie dans un français plus simple. La Conférence des Evêques d'Afrique de l'Ouest, m'a donc demandé d'appliquer cette technique au texte biblique.

Ce " français fondamental ", comment et par qui a-t-il été défini ?

L.R. Les recherches en français fondamental ont commencé en France en 1947, à la demande de I'UNESCO. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les instances internationales compétentes pensaient que la diffusion de la langue française était un moyen efficace et réaliste d'assurer l'éducation de base des populations francophones. L'équipe de Georges Gougenheim, professeur à la Sorbonne, se met au travail et dresse une liste de 3000 mots sélectionnés selon trois critères : la fréquence, l'utilité et l'expérience. G. Gougenheim n'hésite pas à jeter tout le poids de sa notoriété pour élaborer ce français de base qui doit servir à éduquer des populations entières. Pourtant, les critiques de ses pairs ne manquent pas. En effet, ils considèrent cette recherche comme une entreprise mineure, voire puérile ou même anti-culturelle et colonialiste.
Dès l'origine, le français fondamental vise un public particulier, souvent de langue étrangère ou encore néoalphabétisé, pour qui le français se trouve être, par suite de circonstances diverses, la langue de communication la plus usuelle. En sélectionnant le vocabulaire disponible le plus courant et en mettant sur pied une syntaxe simple, ces linguistes ont fait œuvre de pionniers. D'ailleurs, des travaux analogues ont été menés sur l'anglais, l'allemand, l'irlandais, l'hébreu, l'arabe, l'espagnol et le portugais.

Expliquez-nous en quoi consiste le français fondamental ?

L.R. C'est un ensemble de 3500 mots environ et de structures grammaticales simples. Ce corpus correspond approximativement à ce qu'un élève de l'école primaire apprend en trois ou quatre ans. Le français fondamental n'est pas une langue à part, mais un niveau de langue appelé à s'enrichir au fur et à mesure que s'exerce le lecteur. Ce niveau de langue bannit les "phrases kilométriques" ou proustiennes, les termes abstraits ou peu connus, il utilise des phrases courtes, calquées sur la respiration et s'apparente ainsi au style oral. Le vocabulaire est courant, si possible sans ambiguïté, concret et correct. Loin d'être un français au rabais, le français fondamental se veut simple, euphonique, imagé et parfois rythmé.

Vous n'avez rencontré aucune difficulté pour traduire la Bible dans ce niveau de langue ?

L.R. Bien sûr que si. Même si le vocabulaire de l'hébreu ou du grec biblique n'est pas très étendu, il n'en demeure pas moins, qu'en fonction de leur contexte, les mots prennent des nuances qu'il n'est pas toujours facile de rendre en français fondamental. Nous avons pratiqué tout au long de notre travail une sorte d'ascèse intellectuelle : d'abord aller au cœur du texte biblique pour l'exprimer ensuite avec des mots simples. A cet égard, le travail en équipe tel que nous l'avons mené, avec certains d'entre nous plus attentifs à la linguistique, d'autres plus préoccupés de la rigueur exégétique, nous a permis d'obtenir une traduction qui colle au plus près des langues originales. Nous avons veillé à ne pas délayer le texte, ce qui est une tentation constante lorsque l'on veut dire les choses simplement. Même si nous avons évité autant que possible le vocabulaire spécifiquement religieux, certains mots comme baptême, gloire ou prochain étaient incontournables. Il font l'objet d'une explication dans le vocabulaire qui accompagne cette Bible. Nous avons toujours travaillé dans l'idée que ce texte sera lu à haute voix, soit en public dans les assemblées, soit par des lecteurs débutants. Nous avons donc été particulièrement attentifs à son oralité.

Comment vous sentez-vous à la fin d'un projet qui aura duré plus de vingt ans ?

L.R. Soulagée et inquiète à la fois. Soulagée que cet énorme chantier arrive enfin à son terme avec un résultat en terme de lisibilité conforme à ce que nous espérions. Inquiète à la fois, car c'est maintenant que le texte va prendre vie. Les personnes à qui s'adresse cette traductions vont-elles pouvoir l'habiter ? La subtile alchimie du sens qui fait qu'un texte vieux de deux ou trois mille ans parle encore aujourd'hui, va-t-elle fonctionner ? C'est notre plus cher désir.

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