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Un double anniversaire pour la Bible Segond

par Bernard Coyault

Cette année 2010 est l’occasion de célébrer un double anniversaire : le bicentenaire de la naissance de Louis Segond (1810-1885), pasteur et traducteur de la Bible portant son nom, et le centenaire de la première révision de cette même traduction, dite «Segond 1910». Depuis plus de 100 ans, la Bible Segond a été imprimée et diffusée à des millions d’exemplaires en France, mais aussi, et surtout, dans toute la francophonie.
 
On peut s’étonner que cet anniversaire soit passé inaperçu, au regard de l’impact de la Bible Segond dans le protestantisme de langue française depuis plus de cent ans. Son succès et sa pérennité ne sont pas le fruit du hasard. Comme l’écrivait le professeur Samuel Amsler, «cette traduction est le chef-d’œuvre d’un des meilleurs hébraïsants protestants de l’époque contemporaine, dont le sens très remarquable de la langue française impressionne aujourd’hui encore».
 
Pour la seule année 2009, c’est environ 700 000 Segond 1910 qui ont été diffusées dans le monde, notamment dans de grands pays francophones comme la République démocratique du Congo ou la Côte d’Ivoire. La Société biblique haïtienne, à elle seule, en a vendu et distribué plus de 66 000 exemplaires. Et ces chiffres de diffusion vont croissants.
 
Malgré la concurrence d’autres traductions plus modernes, et en dépit d’une langue devenue difficile et d’un vocabulaire parfois désuet, la Segond 1910 est entrée de plain-pied dans le 3e millénaire. C’est une Bible mondialisée et numérisée, davantage diffusée en Afrique et aux Amériques (Antilles, Haïti, Canada) que dans la vieille Europe, et largement disponible sur tous les nouveaux supports numériques, puisqu’elle est libre de droits.
La Bible Segond a tellement façonné la piété des protestants de langue française qu’elle n’a jamais pu être vraiment supplantée par d’autres traductions. Des révisions successives ont permis de faire évoluer sa langue et corriger les erreurs de traduction. La «santé» de la vieille Segond, tient donc aussi à sa postérité : ses «enfants» – comme la révision de 1978 dite «Bible à la Colombe» – et «petits-enfants», la NBS (Nouvelle Bible Segond), éditée par la Société biblique française en 2002, et plus récemment la Segond21 (le 3e millénaire !) éditée par la Société biblique de Genève en 2007.
 
Bien au-delà de la sphère chrétienne, la Bible Segond participe plus que jamais au rayonnement et au développement de la langue française. Cette influence est méconnue. En Afrique ou en Haïti, par exemple, elle est souvent le seul livre que l’on possède, un réservoir inépuisable d’histoires, de conseils, de prières. C’est avec elle que se fait l’apprentissage de la lecture. Il y a quelques années, une dame haïtienne me racontait que dans son pays les amoureux courtisaient les jeunes filles en leur récitant des versets du Cantique des Cantiques appris par cœur dans leur Bible Segond. Son fiancé d’alors lui écrivait aussi des lettres d’amour avec le même procédé. Vérification faite, cette habitude est toujours en vigueur !
 
   
Louis Segond (1810-1885)
traducteur de la Bible
 
Jean-Jacques Louis Segond naît le 3 octobre 1810 à Plainpalais, dans la commune de Genève, dans une famille plutôt modeste. Son père est cordonnier, français et de confession catholique, ayant servi dans l’armée napoléonienne. Sa mère est une protestante genevoise.
 
Après ses études secondaires, Louis Segond entame à partir de 1830 un brillant cursus en théologie qui le mène de Genève à Strasbourg, en passant par l’Allemagne. Il se passionne pour «les langues orientales, l’exégèse, l’archéologie et la critique sacrée». Élève de grands biblistes et orientalistes de l’époque, il obtient un doctorat en 1836.
 
De 1840 à 1864, Louis Segond est pasteur près de Genève. Parallèlement, il publie des ouvrages d’érudition ou de vulgarisation biblique.
 
En 1864, la Compagnie des Pasteurs de Genève le charge officiellement de préparer une nouvelle traduction de l’Ancien Testament, dans un délai de six ans et demi. Travailleur infatigable et érudit, il remet sa version achevée, dans les temps, le 6 janvier 1871. Louis Segond gardera toujours une grande indépendance vis-à-vis de la commission chargée de superviser son travail. En 1880, il publie également sa traduction du Nouveau Testament. Entre-temps, il est nommé professeur d’hébreu et d’Ancien Testament à l’Académie de Genève. C’est là qu’il meurt en 1885.
 
De son vivant déjà, la traduction connaît un rapide succès. Elle est adoptée par nombre de pasteurs et d’églises protestantes. Mais Segond reçoit aussi de sévères critiques des milieux conservateurs. On l’accuse d’avoir attenté à l’inspiration des Écritures, de ne pas rendre justice dans sa traduction aux prophéties messianiques de l’Ancien Testament. La traduction de Segond venait bousculer une tradition séculaire : la plupart des Bibles éditées ou diffusées par le protestantisme français alors étaient des révisions de versions antérieures, en particulier celle du pasteur Ostervald parue en 1744.
 
Louis Segond avait stipulé qu’après sa mort, les éditeurs seraient libres de retoucher sa traduction. C’est ainsi que la Société biblique britannique et étrangère, soucieuse de diffuser la Bible en langue française, préparera la nouvelle édition de 1910, avec des modifications mineures. C’est aussi l’adjonction de références parallèles, en tête des paragraphes et en colonnes, qui contribuera au succès de cette nouvelle Segond. L’écrivain Paul Claudel en était un lecteur assidu !
 
 
Louis Segond à propos de sa traduction
 
« Quant à la traduction même, je l’ai faite scrupuleusement sur le texte hébreu, en m’aidant des ressources philologiques et exégétiques les plus accréditées. Mais, si j’ai voulu qu’elle fût avant tout l’expression fidèle de l’original, je n’ai pas cru qu’il fût permis pour cela de manquer à la correction et à la clarté que réclame notre langue. Ce n’est pas au moyen de termes surannés, de locutions hors d’usage, de phrases d’un littéralisme obscur, que la couleur biblique se maintient plus intacte, et que le parfum oriental se fait sentir plus pur. Saisir la pensée jusque dans ses moindres nuances, et lui trouver un moule qui la reproduise fidèlement, sans braver les règles et le génie de la langue française : voilà l’idéal. Je n’ai rien négligé pour ne pas rester trop en
arrière. »
 
Chrestomathie biblique (préface), 1864
 
 

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