Table ronde : Un outil pédagogique ?

L’exposition « La Bible, patrimoine de l’humanité » a été conçue avec une grande attention portée à la distinction entre foi et savoir, c'est-à-dire connaissance scientifique communicable entre tous et convictions religieuses que certains confessent mais pas d’autres. L’objectif de cette approche est que l’exposition puisse être utilisée par des enseignants de toutes écoles pour illustrer les programmes scolaires lorsque ceux-ci abordent la Bible. Objectif atteint ?

 

L’exposition « La Bible, patrimoine de l’humanité » se veut ouverte au grand public, notamment les scolaires. Pour illustration, pendant cette semaine d’inauguration à l’UNESCO, 34 classes, du CM2 à la terminale, du public ou du privé, se sont succédées. Soit en tout un millier de jeunes. Rien d’étonnant à cela puisque « les programmes des 6e et des 2ndes, entre autre, incluent des cours bibliques en histoire et en français (naissance du Christianisme, étude de textes autour de la Méditerranée, etc.) », explique Dominique Borne, président de l’Institut européen en sciences des religions. « La Bible continue à nous inspirer. Et l’on peut s’en inspirer de manière humaniste. Ainsi, la Bible n’appartient ni aux rabbins, ni aux curés… Elle appartient à tous. A priori, tout ce qui provoque la réflexion est utile et nécessaire. J’invite donc un maximum de gens à venir visiter cette exposition. » C’est bien l’avis d’Isabelle Renaud-Chamska, enseignante de lettres au collège de Luzarches, dans le Val d’Oise, qui compte bien emmener ses élèves visiter l’exposition : « Cela fait deux ans que je consacre quatre mois de mon programme à la découverte de la Bible. Ainsi, c’est la deuxième fois que je demande à la rentrée aux élèves d’apporter une Bible de chez eux. Ce qui provoque des problèmes idéologiques, financiers et de poids dans le cartable. Malgré ça je tiens bon et ai réussi à faire comprendre aux parents l’intérêt de cet apprentissage. Quant à l’exposition, je la trouve importante, didactique, complète et scientifiquement juste. » Mais qu’en pensent les principaux intéressés ? Lorsque l’on demande à un groupe d’Aumônerie venue de l’Yonne (15 jeunes de 14 à 18 ans) ce qu’il a retenu de l’exposition, des réponses étonnantes fusent : « le pot à bière », « la croix de la pharmacie », « la Bible en braille »… Sans guide ni préparation au préalable, les plus jeunes ont visiblement du mal à se repérer et à se concentrer sur un contenu… Et le lieu d’exposition peut vite se transformer en cour de récré !

 

« Habiliter le visiteur à une intelligence du texte »

 

Patrice Rolin, docteur en théologie, bibliste, membre du comité de rédaction de l’exposition, précise les intentions des concepteurs de l’exposition : « Les buts sont de rendre le visiteur-lecteur, interprète du texte en fonction de ses problématiques propres, faire des expériences, multiplier les entrées de lecture pour mettre le visiteur le plus possible en contact avec le texte biblique, varier les problématiques en étant confronté aux textes : ‘comment on est arrivé à une bibliothèque ? Comment ces textes ont été traduits, transmis, dans quel terroir est né la Bible ? Nous nous sommes efforcés de rendre le lecteur actif en l’incitant à écrire, toucher, entendre ou à se faire une opinion. Si le lecteur a des connaissances préalables, il y a des lieux d’approfondissements, s’il n’a pas de connaissances préalables, il y a des informations générales. Le tout, pour l’habiliter à une intelligence du texte. » Claire, 27 ans, a justement bien aimé les différents niveaux de lecture qu’offrent les différents modules de l’exposition. « J’ai aussi trouvé très intéressante la concordance des différentes bibles, et la perception de la Bible dans les différentes cultures », confie la jeune femme qui cependant ne peut s’empêcher de se demander, elle qui n’est plus dans le cursus scolaire, si les plus jeunes arriveraient à comprendre tous les panneaux par eux-mêmes.

Alors, « pour rendre l’exposition plus intéressante aux plus jeunes, il faut sélectionner des points d’intérêts ou les faire chercher de l’information grâce à des rallyes, sans cacher l’unité de l’exposition », explique Isabelle Renaud-Chamska. « Car on peut y rentrer par tous les bouts, comme une galaxie. Il y a plein de portes d’entrées, plein de pièces de labyrinthe mais au bout du compte il faut qu’ils se sentent chez eux dans la Bible. »

 

 

Dominique Borne, président de l’Institut européen en sciences des religions, Isabelle Renaud-Chamska, docteur d’Etat, ès lettres et sciences humaines, agrégée de grammaire, enseignante de lettres en collège, auteur, et Patrice Rolin, docteur en théologie, bibliste, membre du comité de rédaction de l’exposition, étaient les trois intervenants de la table ronde « Un outil pédagogique ? » animée par Matthieu Arnéra, chef de projet de l’exposition pour l’Alliance biblique française.

 

Emma Lassort